Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/135

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dandiner les hanches, et hocher le croupion, comme une bergeronnette, quel est le fils d’Adam qui ne se laisserait prendre aux petites manigances de la fille du serpent ? Pinon en perdit le peu qu’il avait de raison. Dès lors, nous fûmes deux, perchés sur notre mur, pantelants et pantois, à guetter la belette. Sans desserrer les dents, déjà nous échangions des regards furieux. Elle, attisait le feu et, pour mieux l’exciter, l’aspergeait par moments d’une douche d’eau glacée.

Quel que fût mon dépit, je riais de l’arrosage. Mais Pinon, ce grand cheval, en piaffait dans la cour. Il en jurait de rage, sacrait, menaçait, tempêtait. Il était incapable de comprendre une plaisanterie, à moins qu’il ne l’eût faite (et personne, en ce cas, ne la comprenait que lui ; mais il en riait pour trois). La donzelle cependant, comme une mouche sur du lait, se délectait, buvant ces injures amoureuses ; cette rude manière différait de la mienne ; et quoique cette Gauloise matoise, bonne raillarde, gaillarde, fût bien plus près de moi que de cet animal hennissant, se cabrant, ruadant, pétaradant, par divertissement, par amour du changement, et pour me faire damner, elle n’avait que pour lui de regards prometteurs, de sourires alléchants. Mais lorsqu’il s’agissait de tenir ses promesses et que déjà le sot, fanfaron, s’apprêtait à sonner sa fanfare, elle lui riait au nez et le laissait quinaud. Moi, je riais aussi, bien entendu ; et Pinon dépité tournait contre moi sa rage ; et il me soupçonnait de lui souffler sa belle. Advint que, certain jour, il me pria tout net de lui céder la place. Je dis avec douceur :