Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/141

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diabolique (soufflez, ménestriers ! ) vous pensez si l’on vit le quartier ameuté !

Je ne m’attardai point à regarder la suite. J’en avais assez vu. Je repris le chemin par où j’étais venu, riant d’un œil et de l’autre pleurant, l’oreille basse et le nez au vent.

— Bien, mon Colas, disais-je, tu l’as échappé belle !

Et tout au fond de lui, Colas était penaud de n’avoir pas au piège pu laisser ses houseaux. Je faisais le farceur, je me remémorais tout le charivari, je mimais l’un, puis l’autre, le meunier, la fille, l’âne, je poussais des soupirs à me décrocher l’âme…

— Hélas ! que c’est plaisant ! que mon cœur a de peine ! Ah ! j’en mourrai, disais-je, de rire… non, de douleur. Qu’il s’en est fallu de peu que cette petite gueuse ne me mît sous le bât mariteux et piteux ! Eh ! que ne l’a-t-elle fait ! Que ne suis-je cocu ! Du moins, je l’aurais eue. C’est déjà quelque chose, d’être bâté par ce qu’on aime !… Dalila ! Dalila ! Ah ! traderidera !…

Quinze jours durant, je fus ainsi tiraillé entre l’envie de rire et l’envie de larmoyer. Je résumais, à moi seul, en ma face de travers, toute la sagesse antique, Héraclite le pleurard et Démocrite hilare. Mais les gens, sans pitié, me riaient tous au nez. À de certaines heures, quand je pensais à ma mie, je me serais fait périr. Ces heures ne duraient guère. Par bonheur !… Il est très beau d’aimer ; mais par Dieu, mes amis, c’est trop aimer quand on en meurt ! Bon pour les Amadis et pour les Galaor ! Nous ne sommes pas, en