Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/164

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comme moi, en bras de chemise. On échangea d’abord quelques propos salés. (C’est la façon chez nous de se mettre en appétit.) Puis l’un chanta, puis l’autre ; je crois, Dieu me pardonne, que ce fut le maire en personne qui entonna le couplet. Je jouai de mon flageolet. Tous les autres s’en mirent. Et, perçant le concert des voix et des hautbois, la petite voix grêle de ma Glodie montait, voletait et piaillait, piaillait comme un moineau.

On n’allait pas très vite. D’eux-mêmes, les bidets, aux montées, s’arrêtaient, soufflaient, pétaradaient. Pour reprendre la route, on attendait qu’ils eussent exhalé leur musique. À la côte de Boychault, notre tabellion, maître Pierre Delavau, nous fit faire un crochet (on ne pouvait lui refuser : il était le seul échevin qui n’eût rien demandé) pour aller, chemin faisant, dresser chez un client un projet de testament. Chacun le trouva bon ; mais ce fut un peu long ; et notre Florimond, s’accordant sur ce point avec l’apothicaire, trouva encore matière à récrimination. « J’aime mieux un raisin, voire trop vert, pour moi que deux figues pour toi. » Maître Pierre Delavau n’en termina pas moins, sans hâte, son affaire ; fallut bien que l’acceptât, mi-figue, mi-raisin, monsieur l’apothicaire.

Enfin, nous arrivâmes (l’on finit toujours par arriver), comme la moutarde après dîner. Nos oiseaux sortaient de table, lorsque entra le dessert par nos mains apporté. Mais ils en furent quittes pour recommencer : oiseaux mangent toujours. Nos messieurs du conseil, aux approches du château,