Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/238

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Le capitaine du château, vieil homme brave, mais podagre, n’ayant qu’un bras, les pieds gonflés, et de cerveau pas plus qu’un veau, s’était fait mettre en six morceaux. Restait un échevin, Racquin, qui se trouvant seul en face de ces animaux déchaînés, par peur, par faiblesse, par ruse, au lieu de leur tenir tête, crut plus sage de céder, en faisant la part du feu. Du même coup, sans se l’avouer (je le connais, j’ai deviné), il s’arrangeait pour satisfaire à son âme rancunière, en lâchant sur tel ou tel dont le bonheur lui faisait mal, ou dont il voulait se venger, la meute incendiaire. Je m’explique à présent le choix de ma maison !… Mais je dis :

— Et les autres, les bourgeois, que font-ils donc ?

— Ils font : « bée », dit Binet ; eh ! ce sont des moutons. Ils attendent chez eux qu’on vienne les saigner. Ils n’ont plus de berger, plus de chiens.

— Eh bien, Binet, et moi ! Voyons un peu, mon gars, s’il me reste des crocs. Allons-y, mon petit.

— Maître, un seul ne peut rien.

— Peut toujours essayer.

— Et si ces gueux vous prennent ?

— Je n’ai plus rien, je me moque d’eux. Va donc peigner un diable qui n’a plus de cheveux !

Il se mit à danser :

— Ce qu’on va s’amuser ! Frelelefanfan, chipe, chope, torche, lorgne, tarirarirariran, boute avant, boute avant !

Et sur sa main brûlée, fit la roue sur la route, et faillit s’étaler. Je pris un air sévère :

— Eh ! babouin, dis-je, est-ce une affaire à danser au