Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/241

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Ils se terrent, les marmiteux ! Feste-Dieu, je m’en vais leur mordre les fesses !

Du poing et du talon, je battis le tambour sur la devanture du libraire, et je criai :

— Hé ! vieux frère ! Denis Saulsoy, nom de nom ! Je vas tout casser. Ouvre donc ! Ouvre, chapon, je suis Breugnon.

Aussitôt, comme par magie (on eût dit qu’une fée de sa baguette eût touché les croisées), tous les volets s’ouvrirent, et je vis, tout du long de la rue du Marché, au rebord des fenêtres, alignées tout du long ainsi que des oignons, des faces effarées, qui me dévisageaient. Elles me regardaient, regardaient, regardaient… Je ne me savais pas si beau : je me tâtai. Puis, leurs traits contractés soudain se détendirent. Ils avaient l’air contents.

— Braves gens, comme ils m’aiment ! pensai-je, sans me dire que leur bonheur venait de ce que ma présence, à cette heure, en ce lieu, les rassurait un peu.

Lors, s’engagea la conversation entre Breugnon et les oignons. Tous parlaient à la fois ; et tout seul contre tous, je donnais la réplique.

— D’où viens-tu ? Que fis-tu ? Que vis-tu ? Que veux-tu ? Comment pus-tu entrer ? Par où pus-tu passer ?

Je dis :

— Holà ! Holà ! Ne nous emportons pas. Je vois avec plaisir que la langue vous reste, si vous avez perdu le cœur et les jarrets. Çà, que faites-vous-là haut ? Descendez, il fait bon humer le frais du soir.