Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/274

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prendre parti, avait trouvé moyen de s’absenter, la veille.

On resta quelque temps à bouillotter sur place. C’était comme une cuve où fermente le moût. Quel joyeux brouhaha ! Chacun parlait, riait, les violons s’accordaient et les chiens aboyaient. On attendait… Qui donc ? Patience ! La surprise… Et la voici qui vient. Avant qu’on ne l’ait vue, une traînée de voix court devant et l’annonce ; et tous les cous se tournent, comme des girouettes sous le vent, d’un seul coup. Sur la place débouche de la rue du Marché, portée sur les épaules de huit solides gars, et houlant par-dessus la foule, une construction de bois en pyramide, trois tables inégales, posées l’une sur l’autre, les pieds enrubannés, galonnés, culottées d’étoffes de soie claire ; et au sommet, dessous un dais piqué d’aigrettes et d’où tombaient un flot de rubans de couleurs, une statue voilée. Nul ne songea à s’étonner : car tous étaient dans le secret. Chacun lui tira son bonnet, bien poliment ; mais dans la coiffe, nous, vieux malins, nous rigolions.

Aussitôt que sur la place la machine fut avancée, juste au milieu, entre le maire et le curé, les corporations, musique en tête, défilèrent, faisant d’abord autour de l’axe immobile un tour entier, puis s’engouffrèrent dans la ruelle qui, longeant le portail de l’église, descend la porte de Beuvron.

Premier, comme se doit, marchait saint Nicolas. Roi de Calabre, vêtu d’une chape d’église, avec un soleil d’or brodé dessus son dos, ainsi qu’un scarabé