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qui savais combien ce vieux thésauriseur, qui chérissait ses livres encore plus que ses écus, souffrait de les prêter (lorsqu’on en touchait un, dans sa bibliothèque, il vous faisait une mine d’amoureux déconfit, qui verrait un soudard prendre la gorge à sa belle), je fus touché de la grandeur du sacrifice. Je dis :

— Vieux camarade, tu es meilleur que moi, je suis un animal ; je t’ai bien rabroué. Allons, viens m’embrasser.

Je l’embrassai. Je pris le livre. Il aurait bien voulu encore me le reprendre.

— Tu en auras grand soin ?

— Sois tranquille, lui dis-je, ce sera mon oreiller. Il partit à regret, l’air pas trop rassuré.

    • *

Et je restai avec Plutarque de Chéronée, un volume petit, ventru, plus gros que long, de mille et trois cents pages, bien serrées et bondées : on avait empilé les mots comme du blé dans un sac. Je me dis :

— Il y a là de quoi manger pendant trois ans, et sans arrêt, pour trois baudets.

D’abord, je me divertis à regarder, au début de chacun des chapitres, dans des médaillons ronds, les têtes de ces illustres, coupées et empaquetées de feuilles de laurier. Il ne leur manquait plus qu’un brin de persil au nez. Je pensais :

— Que