Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/331

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Dressés sur leurs ergots, se menaçant de l’œil et du bec, tous les quatre, ils avaient l’air de coqs en colère, prêts à sauter. J’observais avec placidité, puis je dis :

— Bravo ! Bravo, mes agneaux, je vois qu’on ne vous tondrait pas la laine sur le dos. Le sang est bon (parbleu ! c’est le mien), et la voix est meilleure. À présent qu’on vous a entendus, à mon tour ! La langue me démange. Et vous, faites repos.

Mais ils n’étaient pas très pressés de m’obéir. Un mot avait fait éclater l’orage. Jean-François, se levant, empoignait une chaise. Aimon-Michel tirait sa longue épée, Antoine son couteau ; et Anisse (il est fort pour mugir comme un veau) criait : « Au feu ! À l’eau ! » Je vis venir l’instant où ces quatre animaux allaient s’entr’égorger. Je saisis un objet, le premier qui s’offrit à portée de mon poing (justement, ce fut par hasard l’aiguière aux deux pigeons, qui faisait mon désespoir et l’orgueil de Florimond) ; et sur la table, en trois morceaux, sans y penser, je la brisai. Cependant que Martine, accourue, brandissait un chaudron fumant et menaçait de les en arroser. Ils criaient comme un troupeau d’ânons ; mais quand je brais il n’est baudet qui ne baisse pavillon. Je dis :

— Je suis le maître, ici, j’ordonne. Taisez-vous. Ah ! çà, êtes-vous fous ? Sommes-nous réunis, afin de discuter le Credo de Nicée ? J’aime bien qu’on discute, oui-dà ; mais, s’il vous plaît, choisissez, mes amis, des sujets plus nouveaux. Je suis las