Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 1.djvu/125

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C’est au milieu des lourdes ténèbres de cette vie, dans la nuit étouffante qui semblait s’épaissir d’heure en heure autour de lui, que commença de briller comme une étoile perdue dans les sombres espaces, la lumière qui devait illuminer sa vie : la divine musique…

Grand-père venait de donner à ses enfants un vieux piano, dont un de ses clients l’avait prié de le débarrasser, et que sa patiente ingéniosité avait remis à peu près en état. Le cadeau n’avait pas été très bien accueilli. Louisa trouvait que la chambre était déjà bien assez petite, sans l’encombrer encore ; et Melchior dit que papa Jean-Michel ne s’était pas ruiné : c’était du bois à brûler. Seul, le petit Christophe fut joyeux du nouveau venu, sans bien savoir pourquoi. Il lui semblait que c’était une boîte magique, pleine d’histoires merveilleuses, comme dans ce livre de contes, — un volume des Mille et une Nuits — dont grand-père lui lisait de temps en temps quelques pages, qui les enchantaient tous deux. Il avait entendu, le premier jour, son père, pour essayer

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