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Jean-Christophe

tait : « C’est ta faute ! C’est toi qui l’as tué ! » Lui, agitait les bras, se jetait à genoux, se frappait la tête contre la rampe, criant : « Je suis un misérable ! Je suis un misérable ! » — Ce spectacle adoucissait sa peine. Il était sur le point d’avoir pitié de ceux qui le pleuraient ; mais il pensait après, que c’était bien fait pour eux, et il savourait sa vengeance…

Quand il eut terminé son histoire, il se retrouva en haut de l’escalier, dans l’ombre ; il regarda encore une fois, en bas, et il n’eut plus du tout envie de s’y jeter. Même, il eut un petit frisson, et s’éloigna du bord, en pensant qu’il pourrait tomber. Alors il se sentit décidément prisonnier, comme un pauvre oiseau en cage, prisonnier pour toujours, sans aucune ressource que de se casser la tête et de se faire bien mal. Il pleura, il pleura ; et il se frottait les yeux avec ses petites mains sales, si bien qu’en un moment il fut tout barbouillé. Tout en pleurant, il continuait de regarder les choses qui l’entouraient ; et cela le distrayait. Il s’arrêta un instant de gémir, pour observer l’araignée, qui venait de bouger. Puis il recommença, mais avec moins de conviction. Il s’écoutait pleurer, et continuait son bourdonnement machinal, sans plus très bien savoir pourquoi il le faisait. Il se leva bientôt ; la fenêtre l’attirait. Il s’assit sur le rebord intérieur,

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