Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 1.djvu/204

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Le concert allait commencer. La moitié de la salle était vide. Le grand-duc n’était pas venu. Un ami aimable et bien informé, comme il en est toujours, n’avait pas manqué d’apporter la nouvelle qu’il y avait réunion du Conseil au palais, et que le grand-duc ne viendrait pas : il le savait de source sûre. Melchior, atterré, s’agitait, faisait les cent pas, se penchait à la fenêtre. Le vieux Jean-Michel se tourmentait aussi ; mais c’était au sujet de son petit-fils : il l’obsédait de recommandations. Christophe était gagné par la fièvre des siens ; il n’avait aucune inquiétude pour ses morceaux ; mais la pensée des saluts qu’il devait faire au public le troublait ; et à force d’y songer, cela devenait une angoisse.

Cependant, il fallait commencer : le public s’impatientait. L’orchestre du Hof Musik Verein entama l’Ouverture de Coriolan. L’enfant ne connaissait ni Coriolan, ni Beethoven ; car s’il avait souvent entendu des pages de celui-ci, c’était sans le savoir ; jamais il ne s’inquiétait du nom des œuvres qu’il entendait ; il les appelait de noms de son invention,

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