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Jean-Christophe

Ils arrivèrent dans un jardin, où deux enfants à l’air maussade, un garçon et une fille, à peu près du même âge que Christophe, semblaient se bouder l’un l’autre. L’arrivée de Christophe fit diversion. Ils se rapprochèrent pour examiner le nouveau venu. Christophe, abandonné par la dame au milieu des enfants, restait planté dans une allée, sans oser lever les yeux. Les deux autres, immobiles à quelques pas, le regardaient des pieds à la tête, se poussaient du coude, et ricanaient. Enfin, ils se décidèrent. Ils lui demandèrent qui il était, d’où il venait, et ce que faisait son père. Christophe ne répondit rien, pétrifié : il était intimidé jusqu’aux larmes, surtout par la petite fille, qui avait des nattes blondes, une jupe courte, et les jambes nues.

Ils se mirent à jouer. Comme Christophe commençait à se rassurer un peu, le petit bourgeois tomba en arrêt devant lui, et touchant son habit, il dit :

— Tiens, c’est à moi !

Christophe ne comprenait pas ; indigné de cette prétention, que son habit fût à un autre, il secoua la tête avec énergie, pour nier.

— Je le reconnais bien peut-être, fit le petit ; c’est mon vieux veston bleu : il y a une tache là.

Et il y mit le doigt. Puis, continuant son inspection, il examina les pieds de Christophe, et lui

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