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la révolte

Schulz continuaient de parler : ils ne se détachèrent pas du visage de Christophe, jusqu’à ce que le train partît.

Le wagon disparut à un tournant de la voie. Schulz se retrouva seul. Il revint par l’avenue boueuse ; il se traînait : il sentait brusquement la fatigue, le froid, la tristesse du jour pluvieux. Il eut grand peine à regagner sa maison, et à monter l’escalier. À peine rentré dans sa chambre, il fut pris d’une crise d’étouffement et de toux. Salomé vint à son secours. Au milieu de ses gémissements involontaires, il répétait :

— Quel bonheur !… Quel bonheur que ç’ait attendu !…

Il se sentait très mal. Il se coucha. Salomé alla chercher le médecin. Dans son lit, tout son corps s’abandonnait, comme une loque. Il n’aurait pu faire un mouvement ; seule, sa poitrine haletait, comme un soufflet de forge. Sa tête était lourde et fiévreuse. Il passa la journée entière à revivre, minute par minute, toute la journée de la veille : il se torturait ainsi, et il se reprochait ensuite de se plaindre, après un tel bonheur. Les mains jointes, le cœur gonflé d’amour, il remerciait Dieu.