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DANS LA MAISON

s’empareraient de mon action, et la déshonoreraient. Voudrais-tu pas que je reprisse la vieille devise de haine : Fuori Barbari ! ou : la France aux Français !

— Pourquoi pas ? dit Christophe.

— Non, ce ne sont pas là des paroles françaises. En vain s’efforce-t-on de les propager chez nous, sous couleur de patriotisme. Bon pour les patries barbares ! La nôtre n’est point faite pour la haine. Notre génie ne s’affirme point en niant ou détruisant les autres, mais en les absorbant. Laissez venir à nous et le Nord trouble et le Midi bavard…

— et l’Orient vénéneux ?

— et l’Orient vénéneux : nous l’absorberons comme le reste ; nous en avons absorbé bien d’autres ! Je ris des airs triomphants qu’il prend, et de la pusillanimité de certains de ma race. Il croit nous avoir conquis, il fait la roue sur nos boulevards, dans nos journaux, nos revues, sur nos scènes de théâtre, sur nos scènes politiques. Le sot ! Il est conquis. Il s’éliminera de lui-même, après nous avoir nourris. La Gaule a bon estomac ; en vingt siècles, elle a digéré plus d’une civilisation. Nous sommes à l’épreuve du poison… Bon pour vous. Allemands, de craindre ! Il faut que vous soyez purs, ou que vous ne soyez pas. Mais nous autres, ce n’est pas de pureté qu’il s’agit, c’est d’universalité. Vous avez un empereur, la Grande-Bretagne se dit un empire ; mais en fait,