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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

tenaient de prendre parti en art ; ils ne lisaient pas les livres, qui les choquaient ; ils n’allaient pas au théâtre, qui les dégoûtait ; mais ils laissaient leurs ennemis voter, élire leurs ennemis, faire un succès scandaleux et une bruyante réclame à des œuvres et à des idées, qui ne représentaient en France qu’une minorité impudente.

Olivier, ne pouvant compter sur ceux qui étaient de sa race d’esprit, puisqu’ils ne le lisaient pas, se trouva donc livré à la horde ennemie : à des littérateurs, pour la plupart, hostiles à sa pensée, et aux critiques qui étaient à leurs ordres.

Ces premiers contacts le firent saigner. Il était aussi sensible à la critique que le vieux Bruckner, qui n’osait plus faire jouer une œuvre, tant il avait souffert de la méchanceté de la presse. Il n’était même pas soutenu par ses anciens collègues, les universitaires, qui, grâce à leur profession, conservaient un certain sens de la tradition intellectuelle française, et qui auraient pu le comprendre. Mais, en général, ces excellentes gens, pliés à la discipline, absorbés dans leur tâche, un peu aigris souvent par un métier ingrat, ne pardonnaient pas à Olivier de vouloir faire autrement qu’eux. En bons fonctionnaires, beaucoup avaient une tendance à n’admettre la supériorité du talent que quand elle se conciliait avec la supériorité hiérarchique.

Dans un tel état de choses, trois partis étaient