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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

bonne fois, flanque-lui un coup de pied au ventre ! « Cela m’a fait horreur. J’aimais mieux être battu.

— Tu n’as pas de sang, répétait Christophe. Avec cela, tes diables d’idées chrétiennes !… Votre éducation religieuse, en France, réduite au catéchisme ; l’Évangile châtré, le Nouveau Testament affadi, désossé… Une bondieuserie humanitaire, toujours la larme à l’œil… Et la Révolution, Jean-Jacques, Robespierre, 48, et les Juifs par là-dessus !… Prends donc une bonne tranche de vieille Bible, bien saignante, chaque matin.

Olivier protestait. Il avait pour l’Ancien Testament une antipathie native. Ce sentiment remontait à son enfance, quand il feuilletait en cachette la Bible illustrée, qui était dans la bibliothèque de province, et qu’on ne lisait jamais, qu’il était même défendu aux enfants de lire. Défense bien inutile ! Olivier ne pouvait garder le livre longtemps. Il le fermait vite, irrité, attristé ; et c’était un soulagement pour lui de se plonger, après, dans l’Iliade ou l’Odyssée, ou dans les Mille et Une Nuits.

— Les dieux de l’Iliade sont des hommes beaux, puissants, vicieux : je les comprends, dit Olivier, je les aime, ou je ne les aime pas ; même quand je ne les aime pas, je les aime encore ; je suis amoureux d’eux. J’ai baisé plus d’une fois, avec Patrocle, les beaux pieds d’Achille sanglant. Mais le Dieu de la Bible est un vieux Juif, maniaque