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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/134

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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

vieux, de graisse moelleuse, de vins vieux bien purifiés… L’épée du Seigneur est pleine de sang. Elle s’est rassasiée de la graisse des rognons de moutons… »


Mais le pire, c’est la perfidie avec laquelle ce dieu envoie son prophète pour aveugler les hommes, afin d’avoir une raison après, pour les faire souffrir :


« Va, endurcis le cœur de ce peuple, bouche ses yeux et ses oreilles, de peur qu’il ne comprenne, qu’il ne se convertisse et ne recouvre la santé. — Jusques à quand, Seigneur ? — Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’habitants dans les maisons, et que la terre soit plongée dans la désolation… »


Non, de ma vie, je n’ai vu un aussi méchant homme !…

Je ne suis pas assez sot pour méconnaître la puissance du langage. Mais je ne puis séparer la pensée de la forme ; et si j’admire parfois ce dieu juif, c’est à la façon dont j’admire un tigre, ou un… (Je cherche en vain un monstre de Shakespeare à nommer ; je n’en trouve pas : Shakespeare lui-même n’a jamais réussi à enfanter un tel héros de la Haine, — de la Haine sainte et vertueuse.) Un tel livre est effrayant. Toute folie est contagieuse. Et il y a dans celle-ci un péril d’autant plus grand que son orgueil meurtrier a des prétentions purificatrices. L’Angleterre me fait trem-