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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

tophe, Christophe s’y refusa d’abord ; il était las de ses expériences avec la race d’Israël. Olivier, en riant, insista pour qu’il le vît, disant qu’il ne connaissait pas mieux les Juifs qu’il ne connaissait la France. Christophe consentit donc ; mais la première fois qu’il vit Taddée Mooch, il fit la grimace. Mooch était, d’apparence, plus Juif que de raison : le Juif, tel que le représentent ceux qui ne l’aiment point : petit, chauve, mal fait, le nez pâteux, de gros yeux qui louchaient derrière de grosses lunettes, la figure enfouie sous une barbe mal plantée, rude et noire, les mains poilues, les bras longs, les jambes courtes et torses : un petit Baal syrien. Mais il y avait en lui une telle expression de bonté que Christophe en fut touché. Surtout, il était très simple et ne disait pas de paroles inutiles. Pas de compliments exagérés. Un mot discret seulement. Mais un empressement à se rendre utile ; et, avant même qu’on lui eût rien demandé, un service accompli. Il revenait souvent, trop souvent ; et presque toujours il apportait quelque bonne nouvelle : un travail à faire pour l’un des deux amis, un article d’art ou des cours pour Olivier, des leçons de musique pour Christophe. Il ne restait jamais longtemps. Il mettait une certaine affectation à ne pas s’imposer. Peut-être percevait-il l’agacement de Christophe, dont le premier mouvement était toujours d’impatience, lorsqu’il voyait paraître à la porte la figure barbue de l’idole carthaginoise, — (il