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DANS LA MAISON

Mooch eut encore l’idée, dans une occasion critique où Olivier était tombé malade et où l’argent manquait, de s’adresser à Félix Weil, le riche archéologue qui habitait dans la maison des deux amis. Mooch et Weil se connaissaient, mais ils avaient peu de sympathie l’un pour l’autre. Ils étaient trop différents ; Mooch, agité, mystique, révolutionnaire, avec des façons « peuple », que peut-être il outrait, provoquait l’ironie de Weil, placide et gouailleur, de manières distinguées et d’esprit conservateur. Ils avaient bien un fond commun : tous deux étaient également dénués d’intérêt profond à agir ; et s’ils agissaient, ce n’était pas par foi, mais par vitalité tenace et machinale. Mais c’étaient là des choses dont ni l’un ni l’autre n’aimait à prendre conscience : ils préféraient n’être attentifs qu’aux rôles qu’ils jouaient, et ces rôles avaient fort peu de points de contact. Mooch rencontra donc un accueil assez froid auprès de Weil ; quand il voulut l’intéresser aux projets artistiques d’Olivier et de Christophe, il se heurta à un scepticisme railleur. Les perpétuels emballements de Mooch pour une utopie ou pour une autre égayaient la société juive, où il était signalé comme un « tapeur » dangereux. Cette fois comme tant d’autres, il ne se découragea point ; et tandis qu’il insistait, parlant de l’amitié de Christophe et d’Olivier, il éveilla l’intérêt de Weil. Il s’en aperçut et continua.