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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

prodigieusement réjoui de cette aventure, qui lui paraissait burlesque ; et d’avance, il escomptait les maladresses de Christophe. Il trouvait plaisant de faire cette promenade en voiture dans les bois, aux frais du brave Krafft. — C’était le plus clair de la pensée du trio : ils envisageaient la chose surtout comme une partie de plaisir, qui ne leur coûtait rien. Aucun n’attribuait la moindre importance au duel. Ils étaient d’ailleurs préparés, avec un calme égal, à toutes les éventualités.

Ils arrivèrent au rendez-vous, avant les autres. Une petite auberge au fond des bois. C’était un endroit de plaisir, plus ou moins malpropre, où les Parisiens venaient laver leur honneur, quand les éclaboussures étaient trop apparentes. Les haies étaient fleuries de pures églantines. À l’ombre des chênes au feuillage de bronze, de petites tables étaient dressées. Trois bicyclistes étaient assis à l’une d’elles : une femme plâtrée, en culotte, avec des chaussettes noires ; et deux hommes en flanelle, abrutis par la chaleur, qui poussaient de temps en temps des grognements, comme s’ils avaient désappris de parler.

L’arrivée de la voiture souleva à l’auberge un petit brouhaha. Goujart, qui connaissait de longue date la maison et les gens, déclara qu’il se chargeait de tout. Barth entraîna Christophe sous une tonnelle, et commanda de la bière. L’air était exquisément tiède et rempli du bourdonnement