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DANS LA MAISON

— Nous l’avons fait, en Chine.

— Regardez donc autour de vous. Est-ce que votre pays, est-ce que tous nos pays d’Europe ne sont pas actuellement menacés dans l’idéalisme héroïque de leurs races ? Est-ce qu’ils ne sont pas tous, plus ou moins, en proie aux aventuriers de toute caste ? Contre cet ennemi commun, ne devriez-vous pas donner la main à ceux de vos adversaires qui ont quelque valeur et quelque vigueur morale ? Comment un homme comme vous peut-il tenir si peu de compte des réalités ? Voilà des gens qui soutiennent contre vous un idéal différent du vôtre ! Un idéal est une force, vous ne pouvez la nier ; dans la lutte que vous avez récemment engagée, c’est l’idéal de vos adversaires qui vous a battus. Au lieu de vous user contre lui, que ne l’employez-vous avec le vôtre, côte à côte, contre les ennemis de tout idéal, contre les exploiteurs de la patrie, de la pensée, les pourrisseurs de la civilisation européenne ?

— Pour qui ? Il faudrait s’entendre d’abord. Pour faire triompher nos adversaires ?

— Quand vous étiez en Afrique, vous ne vous inquiétiez pas de savoir si c’était pour le Roi, ou pour la République, que vous vous battiez. J’imagine que beaucoup d’entre vous ne pensaient guère à la République.

— Ils s’en foutaient.

— Bon ! Et la France y trouvait son avantage. Vous conquériez pour elle, et aussi pour vous,