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DANS LA MAISON

l’oreiller, sur le mur de l’alcôve, elle avait fait un sanctuaire de ses souvenirs ; elle avait réuni les images de ceux qui lui étaient chers : celles de ses trois petits, celle de son mari, pour le souvenir de qui elle avait toujours conservé son amour des premiers temps, celle du vieux grand-père, et de son frère, Gottfried : elle gardait un attachement touchant pour tous ceux qui avaient été bons, si peu que ce fût, pour elle. Elle avait épinglé sur le drap de son lit, tout près de son visage, la dernière photographie que Christophe lui avait envoyée ; et ses dernières lettres étaient sous l’oreiller. Elle avait l’amour de l’ordre et de la propreté méticuleuse ; et elle souffrait de ce que tout, dans sa chambre, ne fût pas parfaitement rangé. Elle s’intéressait aux petits bruits du dehors, qui marquaient pour elle les divers moments du jour. Il y avait si longtemps qu’elle les entendait ! Toute sa vie passée dans cet étroit espace… Elle pensait à son cher Christophe. Quel immense désir elle avait qu’il fût là, près d’elle, en ce moment ! Et pourtant, même à ce qu’il ne fût pas là elle était résignée. Elle était sûre de le revoir là-haut. Elle n’avait qu’à fermer les yeux pour le voir déjà. Elle passait des journées, assoupie, au milieu du passé…

Elle se revoyait dans l’ancienne maison, au bord du Rhin… Un jour de fête… Un superbe jour d’été. La fenêtre était ouverte : sur la route