Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/43

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Leur amitié était un bienfait pour tous deux. L’amour donne des ailes à l’âme. La présence de l’ami communique à la vie tout son prix ; c’est pour lui que l’on vit, qu’on défend contre l’usure du temps l’intégrité de son être.

Ils s’enrichissaient l’un de l’autre. Olivier avait la sérénité de l’esprit et le corps maladif. Christophe avait une puissante force et une âme tumultueuse. C’étaient l’aveugle et le paralytique. Maintenant qu’ils étaient ensemble, ils se sentaient bien forts. À l’ombre de Christophe, Olivier reprenait goût à la lumière ; Christophe lui transfusait un peu de son abondante vitalité, de sa robustesse physique et morale, qui tendait à l’optimisme, même dans la douleur, même dans l’injustice et dans la haine. Il lui prenait bien davantage, selon la loi du génie, qui a beau donner, il prend toujours en amour beaucoup plus qu’il ne donne, quia nominor leo, parce qu’il est le génie, et que le génie, c’est pour moitié de savoir absorber tout ce qu’il y a de grand autour de soi, et de le faire plus grand. La sagesse populaire dit qu’aux riches va la richesse. La force va

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