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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

aux forts. Christophe se nourrissait de la pensée d’Olivier ; il s’imprégnait de son calme intellectuel, de son détachement d’esprit, de cette vue lointaine des choses, qui comprenait et dominait tout, en silence. Mais transplantées en lui, dans une terre plus riche, les vertus de son ami poussaient avec une bien autre énergie.

Ils s’émerveillaient tous deux de ce qu’ils découvraient l’un dans l’autre. Que de choses à partager ! Chacun apportait des richesses immenses, dont lui-même jusque-là n’avait pas pris conscience : le trésor moral de son peuple ; Olivier, la vaste culture et le génie psychologique de la France ; Christophe, la musique intérieure de l’Allemagne et son intuition de la nature.

Christophe ne pouvait comprendre qu’Olivier fût Français. Son ami ressemblait si peu à tous les Français qu’il avait vus ! Avant de l’avoir rencontré, il n’était pas loin de prendre pour type de l’esprit français moderne Lucien Lévy-Cœur, qui n’en était que la caricature. Et voici que l’exemple d’Olivier lui montrait qu’il pouvait y avoir à Paris des esprits aussi libres, et plus libres de pensée qu’un Lucien Lévy-Cœur, qui pourtant restaient purs et stoïques, autant que quiconque en Europe. Christophe voulait prouver à Olivier que sa sœur et lui ne devaient pas être tout à fait Français.

— Mon pauvre ami, lui dit Olivier, que sais-tu de la France ?