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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

L’étrange peuple ! Chacun le dit inconstant ; et rien ne change, en lui. Les yeux avertis d’Olivier retrouvaient dans la statuaire gothique tous les types des provinces d’aujourd’hui ; de même que dans les crayons des Clouet et des Dumoustier, les figures fatiguées et ironiques des mondains et des intellectuels ; ou dans les Lenain, l’esprit et les yeux clairs des ouvriers et des paysans d’Île-de-France ou de Picardie. C’était aussi la pensée d’autrefois qui circulait à travers les consciences d’aujourd’hui. L’esprit de Pascal était vivant, non seulement chez l’élite raisonneuse et religieuse, mais chez d’obscurs bourgeois, ou chez des syndicalistes révolutionnaires. L’art de Corneille et de Racine était vivant pour le peuple, plus encore que pour l’élite, car il était moins pénétré d’influences étrangères ; un petit employé de Paris se sentait plus près d’une tragédie du temps du roi Louis XIV que d’un roman de Tolstoï ou d’un drame d’Ibsen. Les chants du moyen âge, le vieux Tristan français, avaient plus de parenté avec les Français modernes, que le Tristan de Wagner. Les fleurs de la pensée, qui, depuis le xiie siècle, ne cessaient de s’épanouir dans le parterre français, si diverses qu’elles fussent, étaient toutes parentes entre elles, toutes différentes de tout ce qui les entourait.

Christophe ignorait trop la France pour bien saisir la constance de ses traits. Ce qui le frappait surtout dans ce riche paysage, c’était le