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LA FIN DU VOYAGE

— Oui, enfin, si ce n’est lui, c’est donc quelqu’un des siens…

— Malheureux ! tu vas le voir en première page du journal !

Christophe frémit. Mais ce qu’il vit, le lendemain, ce fut une description de son appartement, où le journaliste n’était pas entré, et une conversation qu’il n’avait pas tenue.

Les informations s’embellissaient en se propageant. Dans les journaux étrangers, elles s’agrémentaient de contre-sens. Des articles français ayant raconté que Christophe, dans sa misère, transposait de la musique pour guitare, Christophe apprit d’un journal anglais qu’il avait joué de la guitare dans les cours.

Il ne lisait point que des éloges. Tant s’en faut. Il suffisait que Christophe eût été patronné par le Grand Journal, pour être aussitôt pris à partie par les autres journaux. Il n’était pas de leur dignité d’admettre qu’un confrère pût découvrir un génie qu’ils avaient ignoré. Les uns en faisaient des gorges chaudes. Les autres s’apitoyaient sur le sort de Christophe. Goujart, vexé qu’on lui eût coupé l’herbe sous le pied, écrivait un article pour remettre, disait-il, les choses au point.