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LA FIN DU VOYAGE

Ils se souvinrent de lui, enfin. La musique s’était tue. Ils rentrèrent. Christophe, accoudé sur l’harmonium, la tête entre ses mains, rêvait, lui aussi, à beaucoup de choses du passé. Quand il entendit la porte s’ouvrir, il s’éveilla de sa rêverie, et leur montra son visage affectueux, qu’illuminait un sourire grave et tendre. Il lut dans leurs yeux ce qui s’était passé, leur serra la main à tous deux, et dit :

— Asseyez-vous là. Je vais vous jouer quelque chose.

Ils s’assirent, et il joua, au piano, tout ce qu’il avait dans le cœur, tout son amour pour eux. Quand ce fut fini, ils restèrent tous les trois, sans parler. Puis il se leva, et il les regarda. Il avait l’air si bon, et tellement plus âgé et plus fort qu’eux ! Pour la première fois, elle eut conscience de ce qu’il était. Il les serra dans ses bras, et dit à Jacqueline :

— Vous l’aimerez bien, n’est-ce pas ? Vous vous aimerez bien ?

Ils furent pénétrés de reconnaissance. Mais tout de suite après, il détourna l’entretien, rit, alla à la fenêtre, et sauta dans le jardin.