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LA FIN DU VOYAGE

qui leur enlève, il est vrai, la liberté d’esprit nécessaire pour se juger, s’orienter, se refaire une forte vie nouvelle. Que de tristesses cachées, que d’amers dégoûts !… …Marche ! Marche ! Il te faut passer outre… La tâche obligée, le souci de la famille dont on est responsable, tient l’homme ainsi qu’un cheval qui dort debout et continue d’avancer, harassé, entre ses brancards. — Mais l’homme tout à fait libre n’a rien qui le soutienne, à ses heures de néant, et qui le force à marcher. Il va, par habitude ; il ne sait où il va. Ses forces sont troublées, sa conscience obscurcie. Malheur à lui si, dans ce moment où il est assoupi, un coup de tonnerre vient interrompre sa marche de somnambule ! Il risque de s’écrouler.