Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/187

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Quelques lettres de Paris, qui avaient fini par le joindre, arrachèrent pour un instant Christophe à son apathie désespérée. Elles venaient de Cécile et de madame Arnaud. Elles lui apportaient des consolations. Pauvres consolations. Consolations inutiles. Ceux qui parlent sur la douleur ne sont pas ceux qui souffrent. Elles lui apportaient surtout un écho de la voix disparue… Il n’eut pas le courage de répondre ; et les lettres se turent. Dans son abattement, il cherchait à effacer sa trace. Disparaître… La douleur est injuste : tous ceux qu’il avait aimés n’existaient plus pour lui. Un seul être existait : celui qui n’existait plus. Pendant des semaines, il s’acharna à le faire revivre ; il conversait avec lui ; il lui écrivait :

— « Mon âme, je n’ai pas reçu ta lettre aujourd’hui. Où es-tu ? Reviens, reviens, parle-moi, écris-moi !… »

Mais la nuit, malgré ses efforts, il ne parvenait pas à le revoir en rêve. On rêve peu à

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