Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/55

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Marcel ne reparut point ; et Annette ne fit rien pour le rappeler. Ils demeuraient amis ; mais tous deux, ils s’en voulaient. Précisément parce que Marcel ne lui était pas indifférent, Annette était sensible à ce qu’elle avait lu en lui. Elle ne s’en offensait pas : l’histoire était banale.. Elle l’était trop !… Non, Annette n’en faisait pas grief à Marcel. Seulement… Seulement, elle ne l’oublierait pas !… Il est ainsi des pardons accordés par l’esprit, que le cœur ne ratifie point… Dans sa rancune secrète, peut-être entrait la peine d’être forcée de reconnaître, par la tentative trop libre de Marcel, plus encore que par l’accueil revêche du salon de Lucile, que sa situation était changée. Elle ne se sentait plus protégée par les égards conventionnels, que la société accorde à ceux de ses membres qui se montrent soumis, en apparence, à ses conventions. Il lui fallait se défendre seule. Elle était exposée.

Elle condamna sa porte. Elle se garda de raconter à Sylvie les expériences qu’elle venait de faire ; Sylvie les lui avait prédites, et en eût triomphé. Elle en conserva le secret, et s’enferma avec son enfant. Elle avait décidé de ne plus vivre que pour lui.

Quand le petit Marc revint de promenade, le soir, après la visite de Marcel, elle l’accueillit par des transports. Il rit en la voyant, et il tendait vers elle ses quatre pattes qui gigotaient. Elle le saisit comme une proie, jouant la louve affamée ; elle le mangea de baisers ; elle faisait mine de dévorer tous les morceaux de son corps ; elle entrait les petons dans sa bouche ; et, le déshabillant, elle le chatouillait de ses lèvres, du haut en bas…