Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/62

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Elle entra. Mais elle n’était point celle qu’on attendait. On a beau prévoir le bonheur et la peine. Leur visage, quand ils viennent, n’est jamais le visage prévu. Une nuit qu’Annette, suspendue entre ciel et mer, aux confins du bonheur et de la mélancolie, longeait le cap du sommeil, sans savoir si elle était en deçà ou au delà, elle perçut un danger. Avant de savoir d’où il venait, quel il était, elle banda ses forces, pour courir au secours de l’enfant couché près d’elle. Car déjà sa conscience, qui jamais ne dormait plus que d’une oreille, avait reconnu qu’il était menacé. Elle se força au réveil, et écouta anxieuse. Elle ne s’était pas trompée. Même au fond du sommeil, la plus légère altération dans le souffle du petit bien-aimé l’atteignait. La respiration de l’enfant était précipitée ; par une mystérieuse osmose, Annette sentit l’oppression en sa propre poitrine. Elle alluma et se pencha sur le berceau. Le petit n’était pas réveillé ; il s’agitait en dormant ; sa face n’était pas rouge, ce qui parut à la mère un symptôme rassurant ; elle tâta son corps, et trouva la peau sèche, les extrémités froides ; elle le recouvrit plus chaudement. Il semblait s’apaiser. Elle l’observa quelques minutes, puis éteignit, cherchant à se persuader que l’alerte n’aurait pas de suites. Mais, après un bref répit, le halètement reprit. Annette se mentait le plus longtemps possible :

— Non, il ne respire pas plus fort, pas plus vite, c’est moi qui m’agite…

Comme si sa volonté pouvait s’imposer à l’enfant, elle se forçait à rester immobile. Mais il n’y eut plus moyen de