Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/76

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Elle avait cette vision dans les yeux, le soir de son installation dans la maison de Sylvie. Sylvie, son magasin fermé, se hâta de monter chez sa sœur, afin de la distraire des regrets qu’elle lui supposait. Elle la trouva, allant et venant dans son étroit enclos, nullement fatiguée de l’exténuante journée, s’efforçant de faire tenir dans des placards trop petits son linge et ses vêtements ; et, n’y parvenant pas, perchée sur un escabeau, les bras chargés de draps, regardant les rayons pleins, méditant un autre plan, elle sifflait comme un garçon — (une fanfare wagnérienne que, sans trop y penser, elle travestissait d’une façon burlesque). — Sylvie la considéra, et dit :

— Annette, je t’admire.

(Elle ne le pensait pas tout à fait).

— Pourquoi ? demanda Annette.

— Si j’étais à ta place, ce que je ragerais !

Annette se mit à rire, et, toute à son affaire, lui fit signe de se taire.

— Je crois que j’ai trouvé… dit-elle.

Elle enfonça la tête et les bras dans le placard, rangea, dérangea, fourragea.

— Quand je le disais !… fit-elle… Je l’ai eu !

(Elle s’adressait au placard bondé, rangé, soumis).

Elle descendit, victorieuse, de l’escabeau.

— Sylvie, dit-elle, rageoir ! (elle lui tenait le menton), quand on était enfant, on jouait à bâtir une maison avec les dominos. Quand la maison tombait, est-ce que tu rageais ?

— Je fichais les dominos par terre, dit Sylvie.