Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/111

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— Ces chefs, c’est par vous qu’ils sont. C’est vous qui les nommez…

Le soir même, Annette l’entendit qui recommençait ses hâbleries. Il en avait besoin. Ce n’était pas les autres qu’il voulait tromper, c’était lui. Si ceux-là ne sont pas capables de voir et de vouloir la vérité, comment l’attendre de ceux à qui l’épreuve est épargnée, ~ de ces enfants ? Ils ne connaissent pas les choses. Ils sont la proie des mots. Pourvu que les mots ronflent, ils ne regardent pas au sens. Annette leur a demandé d’écrire leur idéal de vie. Bran veut être officier ; un de ses grands-oncles le fut. Il écrit fièrement :

— « Le fleuve ne remonte-t-il pas toujours à sa source ? »

Ils crânent avec la guerre. Les plus âgés, ceux qui, si elle dure encore une ou deux années, ont chance d’être appelés, répètent les fanfaronnades qu’ils ont entendu clamer par quelques vieux fantoches :

— « Les balles, ça vous traverse, mais ça ne fait pas de mal !… Debout, les morts !… »

L’héroïsme futur les dispense de l’effort présent Ils n’en « fichent plus un coup. » Ils disent :

— Après la guerre, on n’aura plus la peine de s’esquinter. Ce sont les Boches qui paieront… Mon vieux, on les attellera… Et ahi donc !… Mon père a dit qu’il en achèterait une demi