Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/172

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traitait Marc en confident. Elle le promenait dans des situations risquées. Mais la belle humeur sauvait tout, et le riant jugement, qui démontait les sottises et les troubles des sens. Elle avait un naturel parfait : on ne songeait plus si le récit était moral ou non ; il était un spectacle étourdissant : l’esprit était plus fort que le cœur et les sens. — Marc suivait, captif, se rebellant, riant, choqué, séduit, dompté, le roman comique de la vie, que contait l’observatrice sans égale. Elle paraissait désintéressée de ses aventures et mésaventures, tout lui était conte… Ah ! le bon compagnon !… Il avait, certains soirs, une furieuse envie de la baiser au visage ! Mais la fantaisie lui en passait, avant qu’il eût le temps de se la formuler. Tout son élan était fauché, d’un clin d’œil de l’esprit railleur, qui le perçait à fond. Point d’illusion ! Il enrageait de ne pouvoir, sous son regard, se prendre au sérieux. Et, en rageant, il riait. Rire ensemble, et comprendre : c’est délicieux !… Le rire, remède à l’orgueil comme à l’accablement morbides de ces adolescents, qui tantôt attribuent à leur moi tous les droits, tantôt nient l’existence… La boursouflure de ses passions, grandies trop vite avec son corps où se chevauchent, sans proportions, l’enfant et l’homme, — le pli tragique qu’il avait de nature et entretenait devant son miroir, —