Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/185

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comme une clameur muette. Sous le regard d’Annette, la Gorgone s’éveilla. À peine eut-elle vu ces yeux d’en haut qui la scrutaient, elle se releva, farouche, et voulut s’éloigner. Annette la retint par le poignet. Elle grogna :

— Que voulez-vous encore ?… Lâchez-moi !… Vous m’avez arraché de la bouche le pain frotté d’excréments, mon ignominie, mon bien… Que voulez-vous de plus ? Vous me haïssez, vous me méprisez. Je vous le rends. Je suis une ordure. Je vaux mieux que vous !

— Je ne vous hais ni ne vous méprise, dit Annette. Je vous plains.

— Crachez sur moi !

— Je n’ai pas à vous juger. Votre Dieu s’en charge. Et vous êtes folle, et j’ai pitié. La démence est sur le monde. On ne sait pas si demain soi-même on ne sera pas frappé… Mais vous ne pouvez plus rester dans cette maison.

— Vous me chassez ?

— J’ai mon fils à défendre.

— Où voulez— vous que j’aille ?

— Travaillez ! Cherchez un emploi ! Comment pouvez-vous, depuis deux ans, rester tous deux sans faire œuvre utile, dans la détresse du pays ?

— Notre détresse vaut la sienne. Que les autres payent !

— Qui vous aidera, si vous ne vous aidez ?