Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/288

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ne croyait en Dieu. Et aucun ne voyait que, tel en ses métamorphoses Jupiter, Dieu avait pris en eux la forme de l’Amitié. Ils étaient pleins de lui. Ils brûlaient de s’y sacrifier.

Des trois, Annette est celle dont la situation est la plus singulière. Elle n’a, jusqu’à présent, ni pour l’un ni pour l’autre, rien qui ressemble à l’amour. Ses sentiments personnels ne dépassent point la pitié fraternelle, ce penchant de toute femme bien née pour l’être malheureux, qui souffre et qui a besoin d’elle, — surtout quand cet être est un homme, car sa force brisée a pour elle un attrait plus touchant. — Mais dans l’incapacité où sont Germain et Franz de se rejoindre et d’agir, elle participe aux émotions qu’ils échangent par son intermédiaire ; ils s’aiment en elle, par procuration. Et ils lui ont délégué, à elle seule l’action.

Lourde entreprise ! N’était-elle pas bien folle de s’en charger ? Elle en jugeait ainsi, quand elle se retrouvait seule ; et elle voulait freiner. Mais la machine était lancée ; et chaque tour de roue l’engageait davantage.

Dans le train de retour qui la ramenait à Paris, Annette s’épouvanta. Elle évaluait les difficultés presque insurmontables et les dangers. Elle n’apercevait aucun moyen de satisfaire aux engagements