Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/321

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Moi, je suis trop vieille maintenant. Je n’ai plus besoin de rien.

Annette en eut connaissance par un des blessés allemands, qui étaient en convalescence à l’hôpital, et à qui l’on permettait de petites sorties en ville. Il avait été, chez la Guillemette, près d’Arras, un des hôtes de passage ; et il eut grande joie à retrouver la vieille femme, pour qui il conservait un respect étonné. Il disait :

— Maintenant, vos journaux, et vos épouvantails, Barres et Poincaré, ils peuvent parler au nom de la France ! La vraie France, je la connais, mieux qu’eux !

Annette aimait à s’entretenir avec la Guillemette, — autant que le permettait la terrible trompette de la bru Trottée. Sûrement la vieille femme, de race fine et de manières discrètes, n’avait pas à l’entendre plus de joie qu’Annette. Mais elle n’en montrait rien qu’un sourire malicieux, qui prêtait à ce vieux visage un charme de jeunesse. Elle ne se reconnaissait pas le droit de réclamer. Chaque oiseau a son chant !…

La fréquentation d’Annette chez les deux femmes avait été aussitôt connue et commentée. Des deux, l’une était décriée, l’autre tenue suspecte, parce que, restée trois ans en pays occupés, elle en était revenue sans animosité contre les Allemands, qui l’avaient évacuée. On ne manqua