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LES PRÉCURSEURS

est une étape de l’évolution humaine, depuis longtemps dépassée. Et nous voyons, dans son livre, couler cette évolution des instincts et des idées, comme un flot irrésistible, qui ne revient jamais en arrière.

L’ouvrage est partagé en deux grandes divisions, d’inégale étendue. La première, qui tient plus des trois quarts du livre, s’attaque aux maîtres de l’heure, à la guerre, à la patrie, à la race, aux sophismes régnants. Elle a pour titre : « De l’évolution de la guerre » (Von der Entwicklung des Krieges). La seconde est, après la critique du présent, la construction de l’avenir ; elle se nomme : « La guerre vaincue » (ou « dépassée » : Von der Ueberwindung des Krieges), et elle esquisse le tableau de la société nouvelle, de sa morale et de sa foi. Dans l’abondance des documents et des idées, il est difficile de choisir. En dehors de l’extrême richesse de ses éléments, le livre peut être envisagé de deux points de vue : du point de vue spécialement allemand, et du point de vue universellement humain. Avec probité, Nicolaï établit, dès le début, que bien que tous les peuples aient, d’après sa conviction, leur part dans la faute actuelle, il n’entend s’occuper que de celle de l’Allemagne ; c’est aux penseurs des autres pays de faire, comme lui, maison nette, chacun chez soi. « Il ne s’agit pas, dit-il, de savoir si on a péché extra muros, mais d’empêcher qu’on ne pèche intra muros ». S’il prend surtout ses exemples en Allemagne, ce n’est pas qu’ils manquent ailleurs, c’est qu’il écrit avant tout pour les Allemands. Toute une partie de sa critique historique et philosophique a pour objet l’Allemagne ancienne et moderne. Elle mériterait une analyse spéciale ; et nul n’aura le droit désormais de parler de l’esprit allemand, sans avoir lu les cha-