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LES PRÉCURSEURS

sommes quelques-uns qui donneront à leurs cadets leur concours absolu. Nous estimons servir ainsi non seulement la cause de l’humanité, mais celle de notre propre pays, plus efficacement que les mauvais conseillers qui prêchent l’isolement armé. Tout pays qui s’enferme aujourd’hui est condamné à mourir. Le temps est passé où les jeunes forces tumultueuses des peuples européens avaient besoin, pour se clarifier, de s’entourer de cloisons. — Qu’on me permette de rappeler quelques paroles de Jean-Christophe vieillissant :


Je ne crains pas le nationalisme de l’heure présente. Il s’écoule avec l’heure ; il passe, il est passé. Il est un degré de l’échelle. Monte au faîte !… Chaque peuple d’Europe sentait (avant la guerre) l’impérieux besoin de rassembler ses forces et d’en dresser le bilan. Car tous, depuis un siècle, ont été transformés par leur pénétration mutuelle et par l’immense apport de toutes les intelligences de l’univers, bâtissant la morale, la science, la foi nouvelles. Il fallait que chacun fît son examen de conscience et sût exactement qui il est et quel est son bien, avant d’entrer, avec les autres, dans un nouveau siècle. Un nouvel âge vient. L’humanité va signer un nouveau bail avec la vie. Sur de nouvelles lois, la société va revivre. C’est dimanche, demain. Chacun fait ses comptes de la semaine, chacun lave son logis et veut sa maison nette, avant de s’unir aux autres devant le Dieu commun, et de conclure avec lui le nouveau pacte d’alliance.


La guerre aura été (contre notre volonté même) l’enclume où se forge sous le marteau l’unité de l’âme européenne.

Je souhaite que cette communion intellectuelle ne reste pas limitée à la péninsule européenne, mais s’étende à l’Asie, aux deux Amériques et aux grands