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LES PRÉCURSEURS

comme l’Institut für Kultur-Forschung, de Vienne,[1] soit hardiment arboré comme drapeau par l’Académie internationale, dont je souhaite, avec M. Gerhard Gran, que la Norvège prenne l’initiative !

Je note que M. Gerhard Gran semble, après M. le prof. Fredrik Stang, restreindre ses ambitions à la fondation d’un institut de recherches scientifiques : car la science lui paraît plus internationale, par essence, que les lettres et les arts.


En art, en littérature, écrit-il, on peut à la rigueur discuter des avantages et des inconvénients créés par l’isolement d’une nation ou par l’antagonisme de groupes humains. Dans la science, une discussion pareille est un non-sens. Le royaume de la science est le monde entier… L’atmosphère scientifique indispensable n’a rien à voir avec les conjonctures nationales.


Je crois que cette distinction n’est pas aussi fondée qu’elle semble généralement. Aucune province de l’esprit n’a été plus tristement mêlée à la guerre que la science. Si les lettres et les arts se sont faits trop souvent les excitateurs du crime, la science lui a fourni ses armes, elle s’est ingéniée à les rendre plus affreuses, à reculer les limites de la souffrance et de la cruauté. J’ajoute que, même en temps de paix, j’ai toujours été frappé de l’acuité du sentiment national entre savants, chaque nation accusant les autres de lui dérober ses meilleures inventions et d’en oublier volontai-

  1. Cet Institut vient de fonder une Weltkulturgeselschaft, qui a pour organe le journal : Erde, « journal pour le travail spirituel de l’humanité entière ». Le premier numéro, qui m’en parvient, tandis que je revois les épreuves de ces pages, est tout entier une ardente profession de foi « panhumaniste ».