Page:Rolland - Les Précurseurs.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
LES PRÉCURSEURS

songes dont tu la drapes ? Ce qui peut et doit vivre aura-t-il le courage de s’arracher à l’étreinte mortelle d’institutions pourries ?… Peuples, unissez-vous ! Peuples de toutes races, plus coupables, moins coupables, tous saignants et souffrants, frères dans le malheur, soyez-le dans le pardon et dans le relèvement ! Oubliez vos rancunes, dont vous périssez tous. Et mettez en commun vos deuils : ils frappent tous la grande famille humaine ! Il faut que dans la douleur, il faut que dans la mort des millions de vos frères vous ayez pris conscience de votre unité profonde ; il faut que cette unité brise, après cette guerre, les barrières que veut relever plus épaisses l’intérêt éhonté de quelques égoïsmes.

Si vous ne le faites point, si cette guerre n’a pas pour premier fruit un renouvellement social dans toutes les nations, — adieu, Europe, reine de la pensée, guide de l’humanité ! Tu as perdu ton chemin, tu piétines dans un cimetière. Ta place est là. Couche-toi ! — Et que d’autres conduisent le monde !


2 novembre, Jour des Morts, 1916.


(Revue : Demain, Genève, nov.–déc. 1916.)