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VII

À la Russie libre et libératrice

Frères de Russie, qui venez d’accomplir votre grande Révolution, nous n’avons pas seulement à vous féliciter ; nous avons à vous remercier. Ce n’est pas pour vous seuls que vous avez travaillé, en conquérant votre liberté, c’est pour nous tous, vos frères du vieil Occident.

Le progrès humain s’accomplit par une évolution des siècles, qui s’époumone vite, se lasse à tous moments, se ralentit, se butte à des obstacles, ou s’endort sur la route comme une mule paresseuse. Il faut, pour la réveiller, de distance en distance, les sursauts d’énergie, les vigoureux élans des révolutions, qui fouettent la volonté, qui bandent tous les muscles et font sauter l’obstacle. Notre Révolution de 1789 fut un de ces réveils d’énergie héroïque, qui arrachent l’humanité à l’ornière où elle est embourbée et la lancent en avant. Mais l’effort accompli et le chariot remis en route, l’humanité a tôt fait de s’enliser de nouveau. Il y a beau temps qu’en Europe la Révolution française a porté tous ses fruits ! Et il vient un moment où ce qui fut jadis les idées fécondes, les forces de vie nouvelle, ne sont plus que des idoles du passé, des forces qui vous tirent en arrière, des obstacles nouveaux. On l’a vu dans cette guerre du monde, où les jacobins de l’Occident se sont montrés souvent les pires ennemis de la liberté.

Aux temps nouveaux, des voies nouvelles et des espoirs nouveaux ! Nos frères de Russie, votre Révo-