Page:Rolland - Vie de Beethoven.djvu/37

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Puis Giulietta était coquette, enfantine, égoïste ; elle fit cruellement souffrir Beethoven, et en novembre 1803 elle épousa le comte Gallenberg[1]. — De telles passions dévastent l’âme ; quand l’âme est déjà affaiblie par la maladie, comme l’était celle de Beethoven, elles risquent de la ruiner. Ce fut le seul moment de la vie de Beethoven, où il semble avoir été sur le point de succomber. Il traversa une crise désespérée, qu’une lettre nous fait connaître : le Testament d’Heiligenstadt, à ses frères, Carl et Johann, avec cette indication : « Pour lire et exécuter après ma mort[2]. » C’est un cri de révolte et de douleur déchirante. On ne peut l’entendre sans être pénétré de pitié. Il fut tout près alors de mettre fin à sa vie. Seul son in-

  1. Elle ne craignit pas, dans la suite, d’exploiter l’ancien amour de Beethoven, en faveur de son mari. Beethoven secourut Gallenberg. « Il était mon ennemi : c’était justement la raison pour que je lui fisse tout le bien possible », dit-il à Schindler, dans un de ses cahiers de conversation de 1821. Mais il l’en méprisa davantage. « Arrivée à Vienne, écrit-il en français, elle cherchait moi, pleurant, mais je la méprisais. »
  2. 6 octobre 1802 (Nohl, XXVI). Voir aux textes.