Page:Rolland - Vie de Beethoven.djvu/64

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art qu’à la condition d’être libre de tout souci matériel, et que ce n’est qu’alors qu’il peut produire ces œuvres sublimes qui sont la gloire de l’art, les soussignés ont formé la résolution de mettre Ludwig van Beethoven à l’abri du besoin, et d’écarter ainsi les obstacles misérables qui pourraient s’opposer à l’essor de son génie. »

Malheureusement l’effet ne répondit pas aux promesses. Cette pension fut toujours fort inexactement payée ; bientôt elle cessa tout à fait de l’être. Vienne avait d’ailleurs changé de caractère après le Congrès de 1814. La société était distraite de l’art par la politique, le goût musical gâté par l’italianisme, et la mode, tout à Rossini, traitait Beethoven de pédant[1].

  1. Le Tancrède de Rossini suffit à ébranler tout l’édifice de la musique allemande. Bauernfeld, cité par Ehrhard, note dans son Journal ce jugement qui circulait dans les salons de Vienne, en 1816 : « Mozart et Beethoven sont de vieux pédants ; la bêtise de l’époque précédente les goûtait ; c’est seulement depuis Rossini qu’on sait ce que c’est que la mélodie. Fidelio est une ordure ; on ne comprend pas qu’on se donne la peine d’aller s’y ennuyer. »
    Beethoven donna son dernier concert, comme pianiste, en 1814.