Page:Rolland - Vie de Beethoven.djvu/95

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puissance élémentaire contre le reste de la nature.

Toute sa vie est pareille à une journée d’orage. — Au commencement, un jeune matin limpide. A peine quelques souffles de langueur. Mais déjà, dans l’air immobile, une secrète menace, un lourd pressentiment. Brusquement, les grandes ombres passent, les grondements tragiques, les silences bourdonnants et redoutables, les coups de vent furieux de l’Héroïque et de l’Ut mineur. Cependant la pureté du jour n’en est pas encore atteinte. La joie reste la joie ; la tristesse garde toujours un espoir. Mais, après 1810, l’équilibre de l’âme se rompt. La lumière devient étrange. Des pensées les plus claires, on voit comme des vapeurs monter ; elles se dissipent ; elles se reforment ; elles obscurcissent le cœur de leur trouble mélancolique et capricieux ; souvent l’idée musicale semble disparaître tout entière, noyée, après avoir une ou deux fois émergé de la brume ; elle ne ressort, à la fin du morceau,