Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La conscience religieuse de notre époque est l’aspiration au bonheur réalisé par la fraternité des hommes. Il n’y a d’art véritable que celui qui travaille à cette union. Le plus haut est celui qui l’accomplit directement par la puissance de l’amour. Mais il en est un autre qui participe à la même tâche, en combattant par les armes de l’indignation et du mépris tout ce qui s’oppose à la fraternité. Tels, les romans de Dickens, ceux de Dostoievsky, les Misérables de Hugo, les tableaux de Millet. Même sans atteindre à ces hauteurs, tout art qui représente la vie journalière avec sympathie et vérité rapproche entre eux les hommes. Ainsi, le Don Quichotte et le théâtre de Molière. Il est vrai que ce dernier genre d’art pèche habituellement par son réalisme trop minutieux et par la pauvreté des sujets, « quand on les compare aux modèles antiques, comme la sublime histoire de Joseph ». La précision excessive des détails nuit aux œuvres, qui ne peuvent, pour cette raison, devenir universelles.

Les œuvres modernes sont gâtées par un réalisme, qu’il serait plus juste de taxer de provincialisme en art.

Ainsi Tolstoï condamne, sans hésiter, le principe de son génie propre. Que lui importe de se sacrifier tout entier à l’avenir, — et qu’il ne reste plus rien de lui ?

L’art de l’avenir ne continuera plus celui du pré-