Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/176

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toute violence ; mais il ne saurait y obéir, c’est-à-dire en reconnaître la légitimité[1].

Au moment où Tolstoï écrivait ces lignes, il était sous l’émotion d’un des plus tragiques exemples de cette non-résistance héroïque d’un peuple, — la sanglante manifestation du 22 janvier 1905, à Saint-Pétersbourg, où une foule désarmée, conduite par le pope Gapone, se laissa fusiller, sans un cri de haine, sans un geste pour se défendre.

Depuis longtemps en Russie, les vieux croyants, qu’on nommait les sectateurs, pratiquaient opiniâtrement, malgré les persécutions, la non-obéissance à l’État et refusaient de reconnaître la légitimité du pouvoir[2]. Après les désastres de la guerre russo-japonaise, cet état d’esprit n’eut pas de peine à se propager dans le peuple des campagnes. Les refus de service militaire se multiplièrent ; et plus ils furent cruellement réprimés, plus la révolte grossit au fond des cœurs. — D’autre part, des provinces, des races entières, sans connaître Tolstoï, avaient donné l’exemple du refus absolu et passif d’obéissance à l’État :

    son Satyâgraha, de la « Résistance active », par l’amour et le sacrifice ! C’est la même intrépidité d’âme, qui s’oppose à la passivité. Mais Gandhi en a accentué plus encore l’énergie héroïque. — (Cf. Romain Rolland : Mahâtmâ Gandhi, p. 53 et suivantes ; — et l’introduction à La Jeune Inde, de Gandhi, p. xii et suiv.).

  1. La Fin d’un Monde.
  2. Tolstoï a dessiné deux types de ces « sectateurs », — l’un à la fin de Résurrection, — l’autre dans Encore trois morts.