Page:Rolland Clerambault.djvu/116

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qu’ils pratiquent consiste à adorer leur nombril, reflété dans le Talmud, la Bible, ou l’Évangile. Ce sont des monstres d’orgueil. Ils ne sont pas si loin du fou légendaire, qui se croyait Dieu le Père ! Est-il beaucoup moins dangereux de se croire son intendant, ou bien son secrétaire ?

Clerambault était saisi du caractère morbide de la gent intellectuelle. La prépondérance qu’ont prise chez une caste bourgeoise les facultés d’organisation et d’expression de la pensée a quelque chose de tératologique. L’équilibre vital est détruit. C’est une bureaucratie de l’esprit qui se croit très supérieure au simple travailleur. Certes, elle est utile… Qui songe à le nier ? Elle amasse, elle classe la pensée dans ses casiers ; elle en fait des constructions variées. Mais qu’il lui vient rarement à l’idée de vérifier les matériaux qu’elle met en œuvre et de renouveler le contenu de la pensée ! Elle reste la gardienne vaniteuse d’un trésor démonétisé.

Si du moins cette erreur était inoffensive ! Mais les idées qu’on ne confronte point constamment avec la réalité, celles qui ne baignent pas à toute heure dans le flot de l’expérience, prennent, en se desséchant, des caractères toxiques. Elles étendent sur la vie nouvelle leur ombre lourde, qui fait la nuit, qui donne la fièvre…

Stupide envoûtement des mots abstraits ! À quoi sert-il de détrôner les rois, et quel droit de railler ceux qui meurent pour leurs maîtres, si c’est pour leur substituer des entités tyranniques qu’on revêt de leurs