Page:Rolland Clerambault.djvu/126

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arrière ! Et plus il s’embourbait et plus il s’obstinait. L’amour-propre français ne reconnaît jamais son erreur, il se ferait tuer pour elle… Français ou non, combien sont-ils dans le monde, qui auraient l’énergie de dire : « Je me suis trompé. Allons, tout est à refaire… » — Mieux vaut nier l’évidence… « Jusqu’au bout ! »… Et crever.

Bien curieux était un pacifiste d’avant-guerre, Alexandre Mignon. Vieil ami de Clerambault, à peu près de son âge, bourgeois, intellectuel, universitaire, la dignité de sa vie le faisait justement respecter. Il ne fallait pas le confondre avec les pacifistes de banquets, fleuris d’ordres officiels et lacés de grands cordons internationaux, pour qui la paix en palabres est, dans les années calmes, un placement de tout repos. Il avait, pendant trente ans, sincèrement dénoncé les menées dangereuses des politiciens et des spéculateurs véreux de son pays ; il était de la Ligue des Droits de l’Homme et avait la démangeaison de parler, pour l’un, pour l’autre, au petit malheur ! Il lui suffisait que son client se nommât opprimé. Il ne se demandait pas si le dit opprimé n’était pas, d’aventure, un oppresseur manqué. Sa générosité brouillonne lui avait valu quelque ridicule, qui se conciliait avec l’estime. Il n’en était point fâché. Un peu d’impopularité même ne lui eût pas fait peur, — pourvu qu’il se sentît encadré par son groupe, dont l’approbation lui était nécessaire. Il se croyait un indépendant. Il ne l’était pas. Il était l’un des membres d’un groupe, qui était indépendant, quand tous se tenaient ensemble. L’union fait la force, dit-on. Oui,