Page:Rolland Clerambault.djvu/129

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était la seule chose impossible à ces êtres flasques, toujours biaisant, qui avançaient en serpentant, qui avançaient en reculant, qui, pour mieux assurer le succès à leur bannière, la traînaient dans la crotte, et qui fussent montés à plat ventre au Capitole.

Enfin, se dissimulaient çà et là quelques esprits clairvoyants. On devait les deviner, plus qu’on ne les voyait : car ces mélancoliques vers luisants avaient eu soin d’éteindre leur lanterne ; ils semblaient dans les transes qu’il n’en filtrât une lueur. Certes, ils étaient dénués de foi dans la guerre, mais sans foi contre la guerre. Fatalistes. Pessimistes.

Clerambault constatait que, lorsque fait défaut l’énergie personnelle, les plus hautes qualités du cœur et de l’esprit contribuent à accroître encore la servitude publique. Le stoïcisme qui se soumet aux lois de l’univers empêche de lutter contre celles qui sont cruelles. Au lieu de dire au Destin :

— Non !… Tu ne passeras pas…

(S’il passe, on verra bien !)… le stoïque s’efface poliment, et dit :

— Mais entrez donc !

L’héroïsme cultivé, le goût du surhumain, de l’inhumain, se gargarise l’âme avec les sacrifices ; et plus ils sont absurdes, et plus ils sont sublimes. — Les chrétiens d’aujourd’hui, plus généreux que leur Maître, rendent tout à César : c’est assez qu’une cause leur demande de s’immoler, pour qu’elle leur paraisse sainte ; ils offrent pieusement à l’ignominie de la guerre